En pays Toraja du 25 au 01/07

Tana Toraja signifie « Terre Toraja ». Située au nord de Makasar, c’est une région unique de par son peuple et sa culture. Arrivés aux Sulawesi par la mer, les Torajas commencèrent par vivre dans leurs bateaux échoués sur la côte. S’ils vivent aujourd’hui loin à l’intérieur des terres, leurs maisons Tongkonan ont gardé la forme d’un navire, chaque extrémité du toit s’élançant vers le ciel symbolisant la proue et la poupe. Originellement de confession animiste, ils sont aujourd’hui en majorité protestants suite au colonialisme hollandais, mais certains rites animistes restent bien présents dans la vie de cette communauté. Ils ont aussi un langage qui leur est propre, une cuisine traditionnelle à part et mille autres particularités. Et c’est au travers de toutes ces caractéristiques que la singularité du peuple Toraja s’exprime encore aujourd’hui.

Nous arrivons à Rantépao en tout début de journée, retrouvons Ana et Julia et partons dans notre inévitable quête de logement. Quelques guesthouses plus tard nous finissons par trouver notre bonheur chez  »Imanuel ». A peine le temps d’avaler un petit déjeuner que des guides locaux, désoeuvrés à cause du manque de touristes, nous proposent de nous emmener à des funérailles. L’idée de se rendre à l’enterrement de quelqu’un en tant que touriste peut surprendre, voire paraître abérante mais c’est pourtant l’un des évènements les plus prisés des visiteurs et si le « business des funérailles » existe c’est certainement que chacun y trouve son compte, même la famille. A chacun de se faire sa propre opinion.

De toutes les cérémonies Toraja, les funérailles sont la plus importante. Sans funérailles digne de ce nom, l’âme du défunt entrainera l’infortune sur toute la famille. Les Toraja ont généralement deux funérailles: une immédiatement après la mort puis une deuxième, plus élaborée, une fois les préparatifs terminés. Il faut savoir que ces 2° funérailles se déroulent sur plusieurs jours, rassemblent la famille au sens large du terme ainsi que les amis et les habitants des villages voisins, c’est à dire des centaines voire parfois des miliers de convives à nourrir et certains à loger. L’organisation d’un tel évènement peut donc prendre plusieurs mois à plusieurs années et dans l’intervalle, le défunt reste dans la maison familiale, au milieu de ses parents proches. C’est donc au premier jour des seconde funérailles d’une honorable dame de 70 ans que nous nous rendons tous les quatre, accompagnés de Paul, notre guide chargé de nous « introduire » auprès de la famille et de nous expliquer le déroulement de la journée. Nous arrivons sur place vers l’heure du déjeuner et immanquablement la famille nous invite à partager  le repas traditionnel: buffle bouilli à la sauce soja et aux épices, porc cuit dans du bambou, poissons sèchés pimentés et riz. Le tout arrosé de tuak, l’alcool de riz local. les Indonésiens sont des gens accueillants et les Torajas sont réputés être les plus accueillants des Indonésiens. Ce n’est pas nous qui dirons le contraire car ils continueront de nous nourrir tout l’après-midi! Après le déjeuner des hommes se rassemblent et entament une danse en l’honneur de la défunte. Son corps repose maintenant dans un cercueil de forme ovale mais pour immortaliser la défunte, les Torajas lui ont sculpté un Tau Tau, son effigie en bois grandeur nature. Après les danses arrive le moment de la procession: le cercueil et le Tau Tau sont promenés à travers tout le village et sur le bord de la route principale au rythme de chants et d’incantations traditionnels. Abreuvés de café et de patisseries nous nous baladons au mileu des « vrais » convives et regardons, ébahis, défilés d’énormes buffles. Le buffle est un animal très important pour les Torajas car il est le symbole de la richesse et du pouvoir. Certains de ces animaux, les albinos tout particulièrement, peuvent couter jusqu’à plusieurs miliers d’euros. Hélas, même leur prix ne les empêchera pas de partir eux aussi pour un autre monde, le sacrifice de buffles étant l’honneur suprême devant être rendu au défunt. Et je ne parle pas du sacrifice d’un buffle mais du sacrifice de buffles, parfois jusqu’à une centaine! Et des cochons aussi. Les animaux serviront ensuite à nourrir les invités. Pas étonnant que le budget des funérailles représente pour beaucoup de familles les économies de toute une vie. Outre les sacrifices, les combats de buffles sont aussi très réputés auprès des Torajas et donnent lieux à de nombreux paris. Le principe est simple: mettez deux buffles face à face et laissez les combattre jusqu’à ce que l’un d’entre eux abandonne en prenant la fuite… au beau milieu de la foule qui doit alors s’écarter sous peine de se faire piétinner par la bête en déroute. Sauvage, puissant et impressionnant. L’après-midi touche à sa fin lorsque nous partons, la tête remplie d’images et de toute cette étonnante culture. Notre guide nous propose de revenir pour le 3° jour, journée des sacrifices en série, mais comme nous ne sommes pas vraiment amateurs de carnage nous déclinons son offre. La région recèle bien d’autres attractions moins sanguinolantes.

Le soir venu nous allons diner dans un petit restaurant juste à coté de l’hôtel. Nous y faisons la connaissance d’Elvira et Abraham, deux locaux, qui nous proposent de nous joindre à eux pour une petite virée vers les montagnes au nord de Rantépao. Rendez-vous est pris pour dans deux jours. Ils ont l’air tout excités à l’idée de passer une journée avec nous, et nous sommes ravis de pouvoir découvrir une partie de la région avec des gens du coin.

Le jour suivant nous trainons toute la matinée à l’hôtel à papoter avec d’autres touristes. A l’heure du déjeuner nous partons en quête d’un petit restaurant où manger. Nos choix se porteront sur une portion de buffle aux épices Toraja et de Babi Kecap, littéralement cochon à la sauce soja sucrée. Délicieux. Après des mois de poulet, nous faisons main basse sur le buffle et le cochon, viande que nous n’aurons que rarement l’occasion d’avoir au menu dans un pays à majorité musulmane. Repus, nous enfourchons notre mobylette de location pour partir découvrir quelques villages aux alentours de Rantépao. A peine sortis du bourg nous découvrons des Tongkonan éparpillées partout dans la campagne. Nous nous arrêtons plusieurs fois pour profiter du panorama et découvrir à pied ces petits hameaux qui bordent la route. Nous arrivons finalement à Kete Kesu, village traditionnel réputé pour la beauté de ses Tongkonan et ses grottes-sépultures. C’est une autre des caractéristiques du peuple Toraja: ils « enterrent » leurs morts dans des grottes naturelles ou creusées à flanc de falaise. Depuis le coeur du village un petit sentier serpente vers les sépultures et lorsque nous arrivons au pied de la falaise nous y découvrons un véritable ossuaire. Certaines tombes creusées dans la roche sont closes par une petite porte en bois mais de nombreux cercueils gisent à même le sol, éventrés par l’usure du temps, laissant apparaitre d’innombrables os humains. Ame sensible s’abstenir. Nous continuons notre progression jusqu’au bout du sentier et sommes sur le point de faire demi-tour lorsque nous avisons l’entrée d’une grotte naturelle. Lampe frontale en place nous nous aventurons à l’intérieur de la cavité pour une petite session spéléologie improvisée. Sur quelques dizaines de mètres de profondeur, nous y découvrons le même spectacle qu’à l’extérieur mais dans cet espace clos, sombre, humide, froid et glissant l’adrénaline commence à nous chatouiller. Nous abandonnons nos investigations quand la progression devient impossible sans se mettre à ramper, mais nous apprendrons par la suite que la grotte et les sépultures s’étendent encore bien au-delà. Quand nous ressortons la nuit est sur le point de tomber, nous décidons donc de rentrer à l’hôtel.

Le dimanche 27 Juin nous devons retrouver Elvira et Abraham aux abords du village de Batu Tumonga situé dans les montagnes au nord de Rantépao. Après une heure de mobylette sur une route on ne peut plus chaoteuse, nous atteignons le point de rendez-vous. C’est une petite baraque en bois sur le bord de la route, servant du café local à déguster en profitant de la vue imprenable sur la vallée et les rizières en contrebas. Elvira et Abraham sont en compagnie de quelques amis à qui ils nous présentent. Parmis eux il y a entre autre Angga, un jeune homme de 25 ans, très curieux, qui a appris à parler anglais tout seul et qui sais ce qu’il veut dans la vie. Le contact passe de suite et nous restons à papoter plusieurs heures ensemble de son pays et du notre. Nous nous souviendrons longtemps de sa surprise lorsque nous lui apprenons qu’il n’y a pas de cocotiers le long des plages françaises! Avant de nous séparer, il nous invite à venir chez lui dans deux jours, sa famille habitant une Tongkonan dans un petit village à l’est de Rantépao. Le dimanche après-midi et le jour suivant, Mike et moi nous baladons au hasard des chemins avec notre mobylette, découvrant de nouvelles grottes-tombeaux au détour d’un virage, des piscines naturelles creusées par l’eau à même la roche, des petits hameaux abrités dans des bosquets de bambous ainsi que de splendides panoramas de rizières nichées au creux de falaises escarpées sur lesquelles les nuages viennent projeter leurs ombres dansantes. A l’heure des repas nous nous régalons de mie goreng (nouilles sautées aux légumes), de bakso babi (soupe aux boulettes de porc) ou de gado-gado (plat de légumes cuits dans du bambou, à la sauce cacahuète). Nous en profitons aussi pour nous acheter quelques souvenirs de la région dans les ateliers de sculptures sur bois, artisanat traditionnel Toraja.

Le 29 Juin Angga vient nous chercher à l’hôtel pour nous conduire jusque chez lui à Nanggala. La maison de sa famille ne se situe pas à proprement parlé dans le vilage mais dans un petit hameau isolé dans les rizières. Même la pluie persistante de ce début de journée ne nuira pas au charme et à l’élégance de la Tongkonan qui élance les pointes de son toit au milieu de la frondaison des arbres. Pour la première fois nous allons pouvoir rentrer à l’intérieur d’une de ces majestueuses demeures en bois sculpté. L’intérieur s’avère moins impressionnant que l’extérieur car trés spartiate mais chaque espace de la maison a son utilité propre. Une extrémité sert de partie privative aux occupants, l’espace central de cuisine-salon et l’autre extrémité est reservée aux morts: c’est là que reposent les défunts en attendant les funérailles. Sa soeur qui vit ici nous amène du café et nous nous installons confortablement pour écouter tout ce que Angga a à nous apprendre sur l’histoire de son peuple, ses traditions, la signification de chaque motif sculpté dans le bois de sa maison et des greniers à riz mais aussi ses ambitions d’avenir et ses utopies concernant l’Europe. Nous en faisons tomber quelques unes au passage. Les heures passent sans que l’on s’en rende vraiment compte et ce sont les tiraillements de nos estomacs qui nous forcent à retourner vers Rantépao pour nous restaurer. En chemin nous prenons quand même le temps de nous arrêter regarder une impressionante colonie de chauve-souris énormes qui nichent dans les arbres tout près de la maison de Angga. Nous nous séparons en milieu d’après-midi, chacun rentrant terminer tranquillement la journée chez soi.

Nos deux dernières journées en pays Toraja sont plutôt oisives. Nous faisons bien une petite virée au marché à bestiaux de Bolu, histoire d’y voir une dernière fois ces buffles albinos qui se vendent à prix d’or, mais nous y arrivons trop tard et ne trouvons plus que les étals de poissons, fruits et légumes. Mike en profite aussi pour régler les derniers détails concernant notre venue et notre séjour sur l’ile de Hoga. L’excitation l’en reprend de plus belle et il passe son temps à se balader en répétant « Bientôt on va plonger! Bientôt on va plonger! ». Nous faisons aussi la connaissance de Zuska et Jens, un couple germano-tchèque, qui sont partis d’Australie avec leurs vélos et qui projettent de rallier l’Allemagne en pédalant d’ici 2 ans! Pas mal comme projet! Le bus de nuit pour rentrer à Makassar est sensiblement le même que celui que nous avons pris à l’aller: aussi confortable avec des lumières de boite de nuit en prime. Pour la modique somme de 8 euros, vraiment les bus Bintang-Prima c’est la classe! Neuf heures plus tard nous arrivons à Makassar pour une petite pause de quelques heures avant de nous envoler vers Hoga.

( Au moment ou je publie cet article, la connexion internet ne me permet pas de charger les photos> Desolee, il faudra attendre qu on rentre!!)